Une perspective historique de la relation Ville-Université

par Bernard  POUYET 

Photo de Bernard PouyetLes Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment à travers les débats conduit sur les territoires ont montré, s’il en était encore besoin, combien les universités, entendues au sens large, constituaient un enjeu majeur du développement local.

Significatifs, à cet égard, seront la place et le rôle que le projet de loi sur l’ESR, accordera, demain, aux collectivités locales, pratiquement ignorées par les textes législatifs antérieurs sur les universités. Pourtant, ce n’est pas d’aujourd’hui que les universités se territorialisent, et qu’elles entretiennent des relations, notamment, avec les villes. On peut relever des précédents historiques : 

Du Moyen-âge à la Révolution, les 22 universités, progressivement créées, dépendent des villes qui les logent et supportent la charge du traitement des maîtres. Déjà les universités sont objet de concurrence entre les villes, qui se les disputent. Ainsi les grenoblois aiment à se prévaloir de la bulle papale qui fonda en 1339 leur université, mais ils feignent d’ignorer que, dix ans plus tard, la ville de Valence récupérait l’université du Dauphiné, son conseil des élus offrant des conditions plus favorables pour l’épanouissement de l’université que sa rivale grenobloise. Voir, par ex., le «coup » réalisé en 1567, par les édiles valentinois qui obtiennent le transfert de CUJAS, considéré comme le plus grand jurisconsulte de son temps, de Turin à Valence contre une forte rémunération.

La Troisième République naissante, qui fait du «haut-enseignement une priorité, puisqu’il doit irriguer tous les autres ordres d’enseignement », met à contribution les villes pour l’édification des «palais universitaires » qui sont construits alors à Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse, Grenoble, le plus célèbre d’entre eux étant la Sorbonne.

Pourtant, s’il convient de mentionner ces lointains précédents historiques, on ne saurait méconnaître que jusqu’à ces vingt à trente dernières années, l’essor de l’ESR, en France, a été exclusivement une «affaire d’État ».

Par exemple, dans les années 1960-70, la construction des «campus à la française » a été de la seule responsabilité de l’État, qui les a érigé, sans concertation avec les villes, voire contre la volonté des communes-support.

Mettant en œuvre une pensée urbanistique, fondée sur le fonctionnalisme et le zonage, l’État a produit des campus inachevés, mais surtout en rupture avec la ville et les quartiers, rupture physique que les événements de 1968 vont doubler d’une rupture idéologique et sociétale. On est loin, dès lors de la relation villes-universités…

La rencontre entre villes et universités, et plus généralement les territoires, telle qu’elle se poursuit aujourd’hui, peut être très exactement datée. Elle se réalise à travers le «Schéma de développement des enseignements supérieurs » intitulé «Schéma Universités 2000 », présenté en Conseil des ministres le 7 mai 1991, déjà après la tenue d’Assises Régionales, puis en 1990 d’Assises Nationales. Ce plan d’envergure, que l’on doit à Lionel Jospin et à son conseiller pour l’ESR, Claude Allègre, répond à une explosion, sans précédent, de la démographie étudiante; c’est essentiellement un programme de constructions immobilières, mais par son ampleur et sa mise en œuvre, il amorce une transformation profonde de l’université. Du Schéma U2000, on retiendra notamment deux éléments:

  1. Il mobilise l’ensemble de la Nation sur l’université: le gouvernement obtient que la moitié de son financement, (16 milliards de francs sur 32), soit supporté par les collectivités locales. Ce «coup de bluff et/ou coup de génie », selon l’expression de François Fillon, devenu à son tour Ministre de l’ESR, qui consiste à faire payer les collectivités territoriales pour les universités et la recherche ouvre une pratique qui, de Contrat de Plan État-Région (CPER), en Contrat de Projet État-Région, du Programme U3M et de l’Opération Campus aux Investissements d’avenir, verra les collectivités locales participer désormais au financement de l’ESR, sans dévolution préalable de compétence.
  2. Enfin, c’est au Schéma U2000 que l’on doit la formulation d’une double dialectique de l’université dans la ville et de la ville (de la vie ?), dans l’université.

Cette introduction historique, trop rapide, révèle que, quelque soit l’existence de précédents historiques non dénués d’intérêt, la montée en puissance de la relation villes-universités, est un phénomène, somme toute, récent, dont on est loin d’avoir mesuré toutes les conséquences. Aussi peut-on avancer que i) si le principe de la relation villes-universités semble désormais acquis, ii) cette relation reste largement à organiser et à approfondir.

I LE PRINCIPE DE LA RELATION VILLES–UNIVERSITÉS SEMBLE ACQUIS

A)    DU CÔTÉ DES VILLES :

La France se caractérise par la densité du maillage de son territoire par les universités. Il en résulte une géographie universitaire extraordinairement diversifiée. Tous les types de villes escomptent un certain nombre de bénéfices de la présence sur leur site de l’université, mais, de plus, chaque catégorie de villes en espère des avantages propres, qui font que chacune enrichit la problématique ville-université. Ce besoin d’université, exprimé par les divers types de villes est relayé par les associations d’élus qui fédèrent les maires des villes moyennes, grandes villes, banlieues, intercommunalités.

  • Les villes moyennes se sont engagées assez tôt dans le soutien à l’ESR, mais aussi de manière assez chaotique, à travers le mouvement des délocalisations des antennes universitaires. Pour elles, l’enjeu était d’abord économique. Comme l’ont bien montré les études de K. Bouabdallah[1], l’université est perçue comme un agent économique, générateur de consommation, d’emploi, de localisation de dépenses. L’université est aussi un agent de développement économique, concourant à l’amélioration du capital humain, à la R&D, à l’innovation. L’enjeu est aussi d’ordre sociétal: les villes moyennes comptent sur l’université pour l’animation culturelle, sportive, associative, de leur cité, obtenue en y fixant une population jeune, d’étudiants. En retour de cette présence universitaire, la Fédération des Maires des Villes Moyennes, (FMVM) ne manque pas de faire valoir deux atouts :
    • la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur: 31% des étudiants des villes moyennes sont boursiers,
    • de meilleurs taux de réussite que dans les universités des grandes villes.
  • Les grandes villes et agglomérations, pour leur part, possédaient de longue date les universités dans leur patrimoine, sans avoir été contraintes, pendant longtemps de les financer.

Se résoudre à cette nouvelle donne n’est pas toujours allé de soi: ainsi, le Schéma U3M a, par exemple, été largement un plan de rattrapage pour les universités de Paris et de sa région, absentes de la réalisation du Schéma U2000. Les grandes agglomérations ont d’abord été concernées par les investissements dans les quatre, puis huit «Pôles Européens », créés en 1991, qui ont préfiguré les PRES. Ensuite, elles ont été les grandes, voire uniques, bénéficiaires de l’Opération Campus, et des «Investissements d’avenir », notamment les IDEX. Autant de programmes, qui reviennent sur la diffusion des universités sur l’étendue du territoire, pour lui préférer une hiérarchisation des sites. Entre autres enjeux, l’ESR représente pour les villes et les agglomérations un facteur déterminant d’attractivité et de compétitivité au plan national, mais surtout européen et international.

On le sait, les métropoles françaises peinent, pour la plupart d’entre elles ‑à l’exception peut-être de Lyon, Lille et Strasbourg ‑ à réunir la diversité des «fonctions métropolitaines », qui se retrouvent chez leurs concurrents européens, –notamment en matière de centres de décisions financières et bancaires, de présence de sièges sociaux– aussi entendent elles se prévaloir de la présence dans leurs villes de grandes universités et d’organismes de recherche à fort rayonnement. Il est par exemple symptomatique, dans le contexte de l’acte III de la Décentralisation, qui voit les métropoles en concurrence avec les régions, de relever cet argumentation du Président de l’Association des Maires des Grandes Villes, (AMGV), Michel Destot: « Les grandes agglomérations assurent 50 % du PIB français, elles concentrent en leur sein les entrepreneurs, les chercheurs et les universités ».

+ Les villes nouvelles, sans constituer, comme c’est le cas à Louvain la Neuve, des villes à vocation scientifique et universitaire, devaient intégrer, dans leur programme initial des équipements universitaires, comme facteurs de développement et de mixage des fonctions d’habitat et de travail. Cet objectif a été atteint, au moins en région parisienne, où les universités caractérisent leurs villes d’appartenance, en arborant leur nom, comme à Evry, Cergy-Pontoise, Marne la Vallée ou encore Saint-Quentin en Yvelines/Versailles.

+ Les villes de banlieue, ou villes périphériques, peut-être parce que la présence universitaire a été plus subie que voulue (St. Martin d’Hères, Nanterre, Villeurbanne,...), ont été les dernières à exprimer un besoin d’université. Elles le formulent en termes d’aménagement, de liaison à l’agglomération par les transports collectifs, d’équipements et de services rendus à leurs populations. En outre, il convient de mettre en exergue une attente exprimée avec force par les périphéries, celle de la responsabilité sociale des universités.

 B / DU CÔTE DES UNIVERSITES :

La prise en compte des territoires par les universités, corrélative du mouvement des villes à leur égard, s’est construite, se construit, progressivement, mais non sans réticences et appréhensions.

+ Les milieux universitaires et scientifiques ont longtemps entretenu et conservé des préjugés à l’égard du local. Méfiance envers un monde politique, souvent méconnu et considéré comme un univers d’irrationalité et de compromissions. Craintes d’une ingérence des élus locaux dans les choix des universités: ici, les délocalisations et les implantations d’universités ont été parfois imposées, surtout en villes moyennes, aux universités, lesquelles en ont conçu un ressentiment souvent durable. Là, il a fallu se résoudre à des concessions sur le mode «Nous vous aidons à requalifier votre campus, aidez nous, en retour, à faire la ville et à réhabiliter tel ou tel quartier ! ». La conviction prévaut, chez les universitaires, que l’horizon des universités se situe aux plans national, européen ou international et qu’il convient de conjurer tout risque de localisme.

+ Le dépassement de ces réticences s’opère peu à peu, sous l’effet de certains catalyseurs :

La lutte contre l’échec: dès lors que cette préoccupation devient prioritaire, une attention plus grande se trouve portée aux conditions de la vie étudiante, et à la présence d’équipements d’accompagnement, considérés comme éléments du parcours de réussite de l’étudiant.

Dans un contexte de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, ce ne sont plus les familles qui peuvent porter l’accompagnement des études, d’où l’importance de l’intervention publique en matière de logement, de restauration, de documentation, de santé, de culture, de sports… Or les équipements, en ces domaines, relèvent du «cœur de métier » des villes et les universités se tournent naturellement vers elles et vers leur savoir-faire, en matière de construction, d’accès aux équipements communaux, d’animation… On ne peut que s’étonner de la relative prudence des universités à se saisir de la question de la vie étudiante pour la traiter en direct, ou en coopération avec les villes. L’évolution de cette situation est peut-être à rechercher dans une intégration des CROUS au sein des PRES, et, à terme, des universités fédérales ou fusionnées ?

Le développement d’une politique de site: dans les grandes agglomérations, la segmentation entre deux, trois ou davantage EPSCP, a inscrit les universités dans des réseaux verticaux, souvent de nature disciplinaire, même si c’est moins vrai pour les grandes écoles, plus attentives à leurs sites, qu’elle que soit, par ailleurs les effets de centralisation résultant des interventions de la Commission du Titre[2] des écoles d’ingénieurs. Quant aux laboratoires, ils ont été longtemps soumis à la seule structuration verticale des grands organismes. La structuration des sites, lato sensu, englobant les universités, les grandes écoles et plus difficilement, les organismes de recherche, est aujourd’hui en marche. Initiée par les Pôles européens, généralisée par les PRES, accélérée par l’Opération Campus et par les IDEX, elle est souhaitée par les villes, dont certaines initiatives récentes prouvent, qu’elles sont prêtes à en accompagner et à en accélérer le mouvement.

Les élus, rompus aux pièges et délices de l’intercommunalité, observent, d’un œil plus critique qu’amusé, les querelles d’ego et les rivalités institutionnelles, qu’ils pensaient posséder seuls en partage, et qui retardent, ici ou là, le mouvement de structuration des sites universitaires.

Toujours est-il que le redéploiement des établissements universitaires et scientifiques à l’échelle d’un site est de nature à mieux les installer dans leur rapport aux territoires métropolitains. Dès lors que les périmètres des villes et des universités se recoupent, leur relation peut s’organiser sur des bases renforcées.

 II : UNE RELATION QUI RESTE A ORGANISER

En novembre 2007, la Conférence des Présidents d’université, (CPU), l’Association des Villes Universitaires, (AVUF), l’AMGVF, la Fédération des Maires des Villes Moyennes (FMVM), signaient une convention de coopération «en vue de développer, renforcer et structurer le partenariat entre les universités et les villes ». De fait, rapprocher les villes et les universités c’est rapprocher deux complexités, deux mondes qui s’affirment disposés à travailler ensemble, mais qui doivent encore approfondir et améliorer leurs modes de coopération.

 A)    L’IDENTIFICATION DES PARTENAIRES

+ À qui revient au sein des collectivités territoriales, la responsabilité de porter l’ESR ? C’est notamment la question des rôles respectifs des régions et des villes et intercommunalités, qui est ici posée.

La réforme territoriale annoncée, l’Acte III de la décentralisation, n’envisage pas de transfert de compétence en matière d’ESR aux régions. Dans le passé, diverses propositions de lois ont été déposées en ce sens. Elles ont toujours été récusées par les présidents d’université. Désormais les maires des grandes villes se montrent également hostiles à tout transfert aux régions, alors même que, depuis vingt ans, ce sont ces collectivités qui ont pris le maximum d’initiatives envers l’ESR et qui ont supporté, parmi les collectivités, la plus grande part du financement des investissements. L’hypothèque d’un transfert au profit des régions étant levée, la question demeure du rôle respectif des diverses collectivités locales !

Le Président de la République, en octobre 2012, concluant les États généraux de la démocratie territoriale, a souhaité que l’on donne toute sa force à l’article 72.3 de la Constitution, qui prévoit d’organiser, en un domaine, les complémentarités, sous l’autorité d’une collectivité chef de file. On peut penser que les discussions, s’agissant de la désignation de la collectivité, chef de file de l’ESR seront âpres entre grandes villes et régions !

Parmi les villes, une question prend aujourd’hui toute son importance: celle des responsabilités respectives des villes et des intercommunalités. Les situations varient localement, mais les compétences dévolues aux intercommunalités, (développement économique, habitat, déplacements, grandes infrastructures, les désignent, de plus en plus, pour devenir les partenaires et financeurs des projets universitaires. L’affirmation du «fait métropolitain » ouvre de nouvelles perspectives. Ainsi, les «Pôles Métropolitains » créés par la loi du 16décembre 2010, sont en quête de vocations communes aux intercommunalités qui les composent, et portent un intérêt particulier à l’ESR, en faisant même un fer de lance de leur coopération. On en voudra pour exemple les missions dont se dotent les Pôles du Sillon Alpin, de la Région Urbaine de Lyon, (RUL), de la Côte d’Opale, du Sillon Lorrain, ou encore des quatre intercommunalités qui se fédèrent autour de celle de Rennes.

Si la volonté exprimée par le Chef de l’État, «de créer un statut de Métropole, allant au delà des établissements publics actuels[3] », est suivi d’effets, on peut penser que ces métropoles, offrant un statut de forte intégration à une dizaine de grandes agglomérations, se saisiront pleinement de la responsabilité de l’ESR. En interne, villes et agglomérations sont confrontées à l’impératif de se doter, sur les questions universitaires et scientifiques, d’un véritable pouvoir d’expertise, de services compétents. Compte tenu de l’ampleur, du coût et de la complexité des projets universitaires, notamment de recherche, il semble pour le moins souhaitable, que les élus soient assistés d’administrations de mission légères, mais hautement qualifiées, au besoin communes à plusieurs collectivités ou intercommunalités.

+ Les universités, pour leur part, sont aussi tenues de se doter de leur propre pouvoir d’expertise dans les dossiers qu’elles négocient avec les villes. Elles viennent ici de très loin, si l’on veut bien se souvenir que l’instruction de leurs projets immobiliers, a longtemps reposé sur les seules épaules de «l’ingénieur rectoral », dont la bonne volonté n’avait d’égal que l’absence de moyens.

La situation évolue aujourd’hui sous l’effet des efforts conjugués de la CPU, de l’Agence de Mutualisation des universités et des Etablissements (AMUE), de la Caisse des Dépôts et Consignations, (CDC), qui accompagnent la structuration des services universitaires notamment dans les domaines de l’immobilier, du patrimoine et de l’aménagement.

Pour les universités, se pose également la question du niveau pertinent où situer la relation avec les villes et son suivi ? Sur les sites multi-universitaires, le rôle des PRES s’est affirmé, notamment à la faveur de la réalisation des schémas directeurs d’aménagement, du pilotage des projets, de la coordination des maîtrises d’ouvrages, par ex. à l’occasion de l’Opération Campus. Aujourd’hui, de véritables équipes d’ingénierie se mettent en place, comme à Bordeaux, Strasbourg ou Grenoble…

+ Il appartient à chaque partenaire de s’organiser de son côté, mais il leur revient, tout autant de s’organiser entre eux. Au cours des Assises Territoriales, les personnalités extérieures, et notamment les élus, se sont montrés très critiques sur la place qui leur était assignée dans la cascade de conseils des universités et de leurs composantes. À l’évidence, on ne saurait traiter de la même manière des élus qui, hier, étaient invités à livrer un avis épisodique sur le fonctionnement des établissements, et qui, aujourd’hui, représentent des collectivités partenaires, qui financent ces mêmes établissements.

Il convient de s’orienter vers la création de véritables instances stratégiques, organisées conjointement entre les universités et les collectivités, et répartissant les responsabilités selon la nature des dossiers et les maîtrises d’ouvrages concernées. Autant il peut paraître normal qu’un schéma d’aménagement universitaire, sur un campus, relève d’une maîtrise d’ouvrage universitaire associant les collectivités, autant il revient à une intercommunalité de porter un schéma métropolitain de l’ESR, comme Nantes a pris récemment l’initiative d’en initier un.

 

 

B)    UN OBJECTIF: LE CROISEMENT DES PROJETS

À l’échelle d’une agglomération, l’efficacité de la relation ville-université dépend largement de leur capacité respective à croiser leurs projets. Les villes peuvent se prévaloir d’une expérience de la pratique de projets: projets d’agglomération, projet urbain, notamment élaborés sous l’effet des grandes lois d’aménagement du territoire ou de la conduite d’exercices de planification spatiale, comme les SCOT.

Les universités accèdent seulement à la culture de projet, laquelle supposait remplie la condition préalable de leur autonomie et s’est trouvée accélérée par les politiques de contractualisation. Dès lors que les universités diversifient leurs partenariats, elles ont besoin de savoir où elles vont. Se dotant de projets, elles peuvent, par ex., les articuler avec ceux des villes. En matière de recherche et d’innovation, la construction d’écosystèmes, à travers les pôles de compétitivité, ou encore les clusters, constitue la matérialisation même d’un maillage territorial entre chercheurs et entreprises, sous l’égide des collectivités locales. L’histoire récente montre que c’est en matière d’aménagement urbain et d’urbanisme universitaire que l’entrecroisement des projets est le plus significatif; qu’il s’agisse de:

  • l’articulation des campus à la ville: Nancy, Poitiers, Valenciennes…
  • l’intégration des campus centraux dans les villes: Strasbourg, Metz…
  • la résorption des friches industrielles: Lyon, Toulouse, Bordeaux, Dunkerque, Nantes, Paris
  • la reconquête des centres anciens: Brest, Amiens,…
  • l’instauration de nouvelles centralités: Tours, Montpellier

Aujourd’hui, la prise en compte du développement universitaire devient un levier essentiel des Plans Locaux de Déplacements (PLD), des Plans Locaux d’Habitat (PLH), des Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), ou encore des politiques de transports urbains, comme, par exemple, la prise en compte de la desserte des campus pour l’ouverture des lignes de tramway: Clermont-Ferrand, Bordeaux, Lyon, Grenoble…

Enfin, en matière de vie étudiante, le croisement des projets est appelé à se renforcer, ne serait-ce qu’en raison de la crise, et devrait trouver à s’exprimer dans une réciprocité d’accès aux équipements des universités et des villes: bibliothèques, installations sportives, équipements culturels… Il est un domaine où les projets des universités pourraient davantage s’ouvrir aux attentes des villes, c’est celui de leurs projets pédagogiques, susceptibles notamment d’engager la responsabilité sociale des universités.

Par ex., vis-à-vis des publics étudiants des périphéries défavorisées: accueil-orientation des lycéens des quartiers, tutorat, programmes de lutte contre l’échec, insertion professionnelle, formation tout au long de la vie.



[1] K. Bouabdallah est président de l’université de St Etienne et vice-président de la CPU

[2] Organe régissant la création, ou la fermeture, d’Écoles d’Ingénieur ainsi que les mentions de diplômes délivrables par telle ou telle école.

[3] Discours de clôture des États Généraux de la Décentralisation, 5 octobre 2012